" Tu as vu comme elles sont belles nos fleurs?
Regarde les autres tables, elles ont des petits bouquets décoratifs, on dirait
même des fleurs en plastique."
Et Carol de toucher précautionneusement et en cachette
une pétale et des feuilles du bouquet qui orne notre
table.
" Mais dit-elle elles sont vraies! Regarde comme
elles sont belles. La patronne a dû se tromper de table et celle là était
réservée pour quelqu'un spécialement. Non, je suis certaine que les autres
bouquets sont faux."
"Je ne pense pas qu'elle se soit trompée mais qui
sait…
Ne te pose pas trop de questions, d'autant plus que,
es tu certaine que les autres sont en plastique?"
"C'est quand même étrange, dit-elle, la dame qui
nous a accueillis ne nous a rien demandé, tu vois, comme si elle nous
connaissait.
Tu es déjà venu
manger dans ce restaurant?"
"Manger! Bien sur que non."
Et Carol de regarder autour d'elle.
"Regarde comme c'est joli le cadre, et tu as vu,
si nous avions eu le choix de la place, je crois bien que ce serait celle là
que nous aurions choisi. Notre table est un peu à l'écart, des plantes vertes
un peu plus hautes nous isolent des voisins.
L'accueil était super sympa, elle ne nous a dit que
bonjour pratiquement rien d'autre et elle nous donne la meilleur place. Si le
repas est à la même hauteur ça doit être bon."
Carol était radieuse, comme à chacune de nos rares,
trop rares sorties. Elle est égale à elle-même. Heureuse, sentant bon de
partout, ne souriez pas rien de grivois dans mes propos. J'aime le parfum, qui
plus est, un parfum différent pour les cheveux. J'aime caresser ses cheveux,
leur douceur éveille en moi des plaisirs et sensations d'enfant. J'ai un
émerveillement sans borne,
et irraisonné pour Carol. Je considère, et cela à froid,
sans sentiments, que j'ai une chance extraordinaire de partager " une
partie de ma vie avec elle.
Bref ne vous ai-je pas dit que je serai fleur bleu un
max. ! Non? Considérez que c'est fait.
Elle, elle est toujours en admiration devant le
bouquet et le détaille en tournant subrepticement le pot pour voir toutes les
fleurs.
"Oh! Regarde il y a une enveloppe glissée parmi
les tiges, je t'ais dis qu'elle s'est trompée de table en nous plaçant."
"Arrête de t'inquiéter, elle connaît son boulot.
Tu dis qu'il y a une enveloppe, y a t il quelque chose de noté dessus?"
"Je ne vais quand même pas la toucher!"
"Pourquoi pas, tourne la pour voir."
Elle redresse un peu l'enveloppe et là surprise, elle
lit dessus: Carol!
"Attends dit elle, il y a écrit le même prénom
que moi!"
"Alors lui dis je c'est peut être pour toi.
Prends-la."
"Non, tu crois que ferait un enveloppe avec mon
prénom dans un restaurant que nous ne connaissons pas. "
Néanmoins comme je la pousse à la prendre, elle
s'exécute.
La voilà maintenant qu'elle tourne et retourne
discrètement l'enveloppe blanche dans sa main. Quelque peu inquiète, et elle
jette des regards
vers la patronne qui a, elle aussi un petit sourire en
coin. Elle reste néanmoins à l'écart de notre table.
"Bon tu l'ouvres!"
A l'intérieur Carol trouve un petit bristol blanc avec
quelques lignes, signé Rodolphe.
Dans un premier temps elle ne le lit pas, le geste et
la signature suffisent pour la déstabiliser. Furtive, une petite larme pointe
sur son nez, ses yeux un court instant s'embuent, mais son self contrôle
reprend le dessus.
"C'est toi, comment tu as fait, le bouquet c'est
toi aussi."
Je la regarde, j'émets un petit rire pour cacher ma
propre sensibilité. Heureusement, quelque part, qu'elle n'exprime pas plus en
public son émotivité, car nous serions deux à avoir la larme à l'œil. La larme,
comprenez pas une seule pour deux, voyons! Chacun la sienne, benêt.
Elle glisse sa main droite le long de la nappe, côté
fenêtre, c'est à dire côté où il n'y a personne pour voir et me fait signe de
faire de même et elle me la prend dans la sienne, la serre. C'est bon.
Ses yeux courent entre les miens et la salle pour
vérifier que tout ceci a échappé à tout le monde.
"Le bouquet vous a plu? " Dit la patronne
qui s'était rapprochée de nous.
" Elles sont jolies, monsieur a beaucoup de goût.
Je les aurais bien gardées pour moi dit elle.
D'ailleurs, je disais hier soir à monsieur que je les mettrai au frigo pour
mieux les conserver, mais en vérité je n'ai pas résisté, et je les ai mises sur
ma cheminée pour la soirée pour en profiter moi aussi. Elles sont vraiment
superbes."
"Comment tu as fait, Ruddy,
elle parle d'hier. Tu es venu hier soir pour donner les fleurs? T'es fou."
"Oui. Je me suis pointé au début du service, et
je lui ai dit que j'avais quelque chose de spécial à lui demander.
Comme elle est très gentille, je lui ai demandé si je
pouvais lui donner un bouquet de fleurs pour ce soir. Alors qu'elle me dit,
bien sur, et s'étonne que je n'aie pas le bouquet, sur quoi je lui rétorque que
ne sachant sa réaction je l'ai laissé dans la voiture. Je retourne de suite
chercher le bouquet.
" Qu'est ce qu'elles sont belles, me dit -elle souriante.- C'est votre dame qui sera ravie. C'est
pour un anniversaire ?
Non lui dis-je, c'est pour le plaisir, et c'est que je
n'ai pas fini, lui rétorquai- je.
"Si je peux me permettre…lui dis
-je hésitant…"
"Mais bien sûr, dîtes-moi."
"Et bien voilà, j'ai une enveloppe à mettre dans
le bouquet et je désirerais que vous prépariez la table avec le bouquet et le
mot, en nous recevant comme des clients que vous ne connaissez pas. Comme si
tout était normal, et comme elle est très sensible aux fleurs, elle s'apercevra
de la différence de bouquet."
"Sans problème." Me répond-elle.
"Heu! Si
je peux me permettre, encore une chose,…pourrait -on,
ensemble, choisir la table? "
Tu penses bien qu'elle a tout accepté. C'est le première fois qu'on lui demandait ce genre de service.
Elle était ravie.
Donc nous avons choisi la table et pour créer un peu
plus d'intimité elle a rajouté les bacs de plantes entre nous et la table
voisine.( D'ailleurs qu'elle évite de proposer aux
clients car elle est toujours aussi vide.)
Voilà tu sais tout. Cela t'a plu? C'est pour te
montrer d'une manière différente combien je t'aime et que je tiens à toi, et à ce
que tu m'apportes. "Merci, Carol!"
"Merci de quoi?
C'est à moi de te dire merci, pour ces fleurs, pour
avoir imaginé tout cela et organisé. Pour la surprise, des fleurs, du mot, que
tu m'excuseras, je n'ai pas encore lu.
Mais trop c'est trop, et je ne veux pas attirer
l'attention."
"Et moi Carol, je te remercie d'être là avec moi.
De savoir si bien me prendre la main, d'être si compréhensive et à l'écoute
sans juger.
Merci Carol d'être comme tu es, et d'être avec moi.
Bon ! Passons aux choses suivantes et mangeons un peu
au lieu de larmoyer. Si quelqu'un nous entendait, il se dirait à coup sûr,
quelle bande de "belus"
( Je ne te dis pas ce que l'ordinateur me propose pour la
correction du mot " belu"
Bel lu, bellot, pelu, belli, belge. Dans l'histoire
c'est belge maintenant qui paraît anachronique.)
Tout
le repas se déroule au mieux, avec rires et fou rire, avec affection et
regard
profond.
Et pour le
dessert la patronne nous avait préparé des assiettes avec des petits gâteaux en
forme de cœur, uniquement pour nous, les autres convives n'ont pas eu cette
attention.
Par la suite nous sommes retournés plusieurs fois
manger dans ce restaurant et nous eûmes droit invariablement à la même table et
à l'assiette de petits gâteaux en forme de cœur, qu'elle nous servait avec un
petit sourire complice au moment du café.